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03 Aug

Le vieil homme du café

Publié par Maria Thunholm  - Catégories :  #marialenn

J’entrais dans le café, un vieil homme assis dans le coin me regarda, la salle fut sombre. Mais je trouvais le vieux café bien charmant, en entrant dans ce café le vieil homme me suivit avec son regard, je commandais un café au comptoir et il fut une table libre à côté de l’homme. Je pris mon magazine, celui que j’avais acheté à Stockholm, je commençais à lire un article suédois sur l’Omaha Beach. L’homme d’une quatre-vingtaines d’années  s’adressa à moi en suédois en se levant lentement.

 

« Bonjour ! Excusez-moi, mais vous êtes Suédoise, je suppose. » Dit-il à mi-voix.

 

« Bonjour Monsieur ! Oui, je suis Suédoise. » Je le regardais dans ses yeux. Je m’imaginais la douleur que ses yeux tristes pourraient me dire.

 

« Je m’appelle Johan et j’ai vu l’article sur l’Omaha Beach, c’est pour ça que je m’adresse à vous. »

 

« Ah, bon ! Pourquoi est-il intéressant ? » J’en fus surprise cet après-midi au café près de la cathédrale Notre Dame de Paris, la Seine avec ses navettes blindées de touristes passèrent et les vieux magazines vendus tout au long du quai, je regardais le jardin derrière la cathédrale, les fleurs fleurissaient, mais ce jour-là il pleuvait. Je regardais à nouveau Johan. « Je m’appelle Mikaela. »

 

« Enchanté, j’étais là ! » Il pointa avec ses doigts sur la vieille photographie de la seconde guerre mondiale. « Omaha Beach, un vrai massacre… » Il parla à basse-voix.

 

« Mais que faisiez-vous là ? Vous êtes Suédois. »

 

« Ben, tout a commencé à Göteborg, j’ai pris clandestinement un paquebot pour me rendre aux Etats-Unis, tout allait bien jusqu’à l’arrivée à New York où les autorités américaines m’ont repéré. »

 

« Pendant la seconde guerre mondiale vous vous êtes allé à New York, d’accord, mais je me demande pourquoi… »

 

« Parce que le rêve américain m’était le plus important, c’était l’année 1943, les Nazis commencèrent à perdre du terrain en Afrique du Nord, la France en était divisée à deux. Un côté, le gouvernement de Vichy qui sympathisait avec les Nazis, il poursuivit les Juifs français, à l’autre côté de Gaulle qui parlait de la France libre, le grand Charles de Gaulle. J’en avais marre de cette guerre, même si la Suède en a été épargnée. »

 

« J’en est au courant, les Nazis traversèrent la Suède pour se rendre en Norvège. »

 

« Exactement, mais c’est aussi grâce à cela que beaucoup des Juifs furent sauvés par les bus blanc, mais rien n’est aussi simple. » Il dégusta son café. « Ben, en arrivant à New York on m’a arrêté et le gouvernement américain avait besoin de soldats, donc un homme de l’armée de terre m’a donné deux choix, soit je joignais l’armée, soit la prison pour être expulsé plus tard. Donc je m’engageais dans l’armée, un long entrainement commença alors, on nous a envoyés en Grande Bretagne le printemps l’année suivante. L’Angleterre fut un énorme campement, tout le monde a compris qu’il s’agissait de quelque chose importante qui pourrait changer la guerre. »

 

« Le jour J, le 6 juin 1944. » Je dégustais mon café, un cappuccino, en le regardant avec un regard curieux.  « Et vous vous êtes débarqué sur la plage d’Omaha Beach en Normandie ? »

 

« C’est ça, mais c’en était une surprise pour tout le monde, malgré l’entrainement. »

 

« J’ai été en Normandie, je ai vu la plage, mais j’ai du mal à voir les traces de l’embarquement aujourd’hui. »

 

« Mais je vois toujours mes camarades mourir, tués par des balles, par des grenades etc. » Il baissa son regard, des larmes sur ses joues.

 

« Vous allez bien ? » Je souris, un sourire triste, je ne savais pas pourquoi. 

« Oui, ça va. Ne vous en inquiétez pas… » Il soupirait. « Mais ces maudits souvenirs me poursuivent toujours. »

 

« Je comprends ce que voue me racontez, mais j’ai du mal à comprendre la souffrance que vous avez vécue. »

 

« C’est normal, il faut vivre mon expérience pour comprendre… » Il sourit. « Les Allemands ont également souffert, il n’y a pas de gagnants dans une guerre. »

 

« Je suis d’accord avec vous, mais je ne connais pas la guerre, je ne peux rien dire sur ça. »

 

« Mikaela, n’oubliez pas, il faudra se souvenir de ces deux guerres mondiales, car il faut à tout prix éviter une troisième guerre mondiale. »

 

« Je vois… » Un sourire triste sur mes lèvres.

 

« Vous m’en comprenez, mais vous ne pourrez jamais ressentir la souffrance que les survivants d’Omaha Beach ont vécue. »

 

« C’est tout-à-fait vrai et j’y essaie de comprendre. »

 

« C’est déjà très bien, en débarquant sur l’Omaha Beach ai-je vu la mort et la chance était avec moi, mais la plupart.. » Il n’acheva pas sa phrase.

 

« Ils en étaient massacrés sur la plage… »

 

« C’est vrai, la peur que j’ai ressentie, je n’arrive pas à l’expliquer. »

 

« Mais je la ressens dans ton histoire. »

 

Ses rides sur le front montrèrent un soulagement, les larmes se séchèrent et il sourit à nouveau. « On a malgré tout réussi à vaincre les Allemands, mais les deux côtés, les alliés et les Nazis, ont beaucoup souffert. »

 

« Puis les alliés ont vaincu les Allemands, mais en gagnant du terrain la perte fut encore énorme avant d’arriver à Berlin par de nombreux ponts. »

 

« Vous connaissez bien l’histoire de la seconde guerre mondiale. »

 

« Pas en détail, mais elle m’intéresse. »

 

« J’en avais compris. » Il jeta un coup d’œil sur mon article dans mon magazine. « Merci de m’avoir écouté ! »

 

« Il n’y pas de quoi, quoi qu’il soit je n’oublierai jamais votre histoire. »

 

« Je sais; mais vous ne comprendrez jamais ma souffrance. » Il se leva. « Au revoir ! »

 

« Au revoir, Monsieur ! »

 

Il se rendit à la sortie du café, il se retournait et sourit, puis il quittait le café et je jetais un coup d’œil dans mon magazine, sur l’article. Cet article sur l’Omaha Beach n’en était plus intéressant à lire après avoir entendu un témoin qui a été sur l’Omaha Beach.

 

Maria Thunholm

 

Paris, samedi 30 juillet 2011

 

P.S. L’histoire est bien vraie, mais je n’ai pas rencontré le vieil homme dans un café, mais les circonstances ne me permettent pas de dire où je l’ai rencontré, les prénoms sont fictifs. Un secret professionnel, mais j’en avais besoin de transmettre son histoire. 

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